Le
Frère Jean-Baptiste de Marie, Carmes du Couvent de Paris a eu la gentillesse
d'écrire un article pour le site : jaisoif78.com qui est une extension de ce blog.
Découvrir
son intériorité : une exigence de Vérité (fr. Jean-Baptiste de Marie, Mère
de Miséricorde, o.c.d.)
Jaisoif78.com
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« Retour aux choses mêmes »
Comment la
phénoménologie, une science archéologique selon les termes d’Husserl, a-t-elle
pu répondre à son désir d’intériorité, à son désir de vérité sur le monde et
les choses ? Prenons le temps de définir brièvement le concept de
phénoménologie. D’abord, la phénoménologie est cette philosophie qui s’attarde
sur les phénomènes : il s’agit de décrire les phénomènes, les objets d’une
manière scientifique, telles qu’ils nous apparaissent sous les yeux, pour
revenir à l’essence des choses. C’est le retour aux choses mêmes, comme le
disait Husserl, c’est-à-dire retour à l’essentiel de notre perception du monde,
sans jugement, ni apriori. La phénoménologie appelle à une conversion du
regard, à une suspension du jugement (en grec epoké).
Comme
le dit le Père Didier-Marie Golay, dans l’une de ses conférences sur Edith
Stein, « Cette méthode rigoureuse pour accéder à un essentiel
qui s’impose comme vérité avec son absolu […] Il s'agit d'observer, puis de décrire les
phénomènes pour parvenir à la reconnaissance d'un essentiel qui va permettre
par intuition, de reconnaître la vérité profonde des choses, dans un
respect total de ce qu'elles sont en elles même ».
C’est
justement cela qui saisit Edith Stein, ce qui va répondre à son désir absolu de
vérité et d’intériorité : accéder à un essentiel qui est vérité ;
parvenir, à travers l’étude des phénomènes, à reconnaitre la vérité des choses,
dans leur respect et leur être profond. Cette vérité d’intériorité, elle va en
faire l’expérience réelle et concrète quand elle prendra la forme d’une
personne et d’un visage, celle du Christ, qu’elle appellera plus tard,
« le centre de ma vie ».
2 Sa première rencontre avec le Christ
Cette première rencontre
a lieu après la mort de son ami, Adolf Reinach, mort au front, et en 1917, elle
part visiter la femme de ce dernier pour l’aider à trier les papiers
philosophiques de son défunt mari. Edith Stein s’attend à trouver une femme
accablée par le deuil, mais voilà qu’elle la trouve rayonnante, habitée,
lumineuse. C’est par ces mots qu’elle déclare :
« Ce fut ma première
rencontre avec la Croix, avec la force divine qu'elle donne à ceux qui la
portent. Je vis pour la première fois l'Eglise née de la souffrance rédemptrice
du Christ dans sa victoire sur l'aiguillon de la mort, visible devant moi. Ce
fut l'instant où mon incroyance s'effondra, mon judaïsme pâlit, le Christ
étincela, le Christ, dans la Lumière de la Croix ».
Son désir intérieur de
vérité qu’elle a cherché dans la phénoménologie se montrait sous ses yeux sous
un jour nouveau, car cette vérité intérieure devenait visage et concret :
le Christ étincelant se présentait à elle comme la Vérité la plus intérieure et
la plus vraie qui soit. C’est à partir de cet instant qu’une vie intérieure
devint le lieu où habitait le Christ, devenant chrétienne de cœur, elle qui le
deviendra définitivement à la lecture à l’été 1921 de la Vie de Thérèse
d’Avila, par ces mots : « Là est la Vérité » !
3 Le Carmel, une vie d’intériorité
Son désir d’une vie
intérieure ponctuée de Vérité, elle ira la chercher jusque dans les murs du
Carmel de Cologne-Lindenthal, le 14 octobre 1933, après une longue carrière
d’enseignante chez les dominicaines de Spire (1922-1931) et de conférencière à
travers le monde (1931-1933). Au Carmel, elle va apprendre à découvrir une vie
tout intérieure, faite de silence, de prière, de travail, mais aussi de
récréation, de temps fraternels, tous ces évènements faisant grandir son désir
de Vérité. Comme elle le dira elle-même, dans une de ses lettres, « Celui qui entre au Carmel n’est pas perdu
pour les siens, il est gagné très exactement car notre vocation est de nous
tenir devant Dieu pour tous ».
Se tenir devant, n’est-ce
pas pour elle, faire aussi la vérité devant Dieu, devant soi, pour que notre
être personnel demeure vrai et authentique à la fois devant Dieu et devant
tous ? Edith Stein n’a jamais cessé de chercher la vérité, celle de son
être, que ce soit dans ses études philosophiques (notons au passage son œuvre
philosophique et théologique sur le sens de l’être, « l’Etre Fini et
l’Etre Eternel »), dans l’oraison, ou encore dans les temps
communautaires, cette vérité à la fois tout intérieure et tout extérieure
transparait en elle et à travers elle, car c’est son désir le plus profond et
sa vocation la plus authentique. Comme le disait d’ailleurs, son maitre
Husserl, « chez elle, tout est absolument authentique ».
Conclusion : Faire
de son intériorité une vérité à désirer toujours plus
Edith Stein, toute sa
vie, n’a fait que rechercher la vérité, une vérité intérieure qui est le
Christ, n’étant plus seulement une recherche intellectuelle, mais une personne
réelle et concrète. Elle n’a de cesse chercher qu’à cultiver son intériorité
pour y trouver cette Vérité qu’elle cherchait sans le savoir. Ce désir
d’intériorité, de vérité, qu’elle avait ne s’est pas arrêté après sa rencontre
avec le Christ, lui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Sa
vie, comme la nôtre d’ailleurs, n’est qu’une longue et passionnante quête de la
Vérité, qui est une personne réelle, concrète, présente au sein de notre
tréfond intérieur et qui ne demande sans cesse qu’à être cherché, même si elle
nous demeure cachée, dans les profondeurs intimes de nos obscurités
quotidiennes.
Alors, redisons-nous
aussi cette belle parole d’Edith Stein : « Qui cherche la vérité
cherche Dieu, qu’il en soit conscient ou non ». Car qui cherche la
vérité au fond de son intériorité, désire cette vérité toujours plus au plus
profond de soi-même, cherche Dieu, lui qui est la Vérité, le Chemin et la Vie,
vérité, chemin et vie pour notre chemin d’intériorité et de
sanctification !
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Zurbaran |